L’incroyable épopée de la nation Zaza

Qui sont les Zazas, où vivent-ils, quelle est leur origine, quelle est leur histoire, quelle est leur langue, combien sont-ils ?

Tant de questions que l’on va tenter de répondre dans cet article consacré à un peuple relativement méconnu en Occident et dans une certaine mesure en Orient également.

Depuis plusieurs années, les études à leur sujet se sont multipliées dans leur pays de résidence, la Turquie et de nombreux écrits ont réalisés de par le monde et en plusieurs langues, ainsi leur identité commencé à se faire connaître.

Origine ethnique

Commençons avec la question quant à leur appartenance ethnique, si pour une majorité en Turquie ils sont apparentés aux Kurdes comme une sous-ethnie, pour certains théoriciens ils seraient d’ascendance Turque, mais cela reste fort controversé. Depuis les années 90, un « nationalisme » Zaza a commencé à émerger grâce aux précieux travaux d’Ebubekir Pamukçu, défunt intellectuel proéminent du renouveau Zaza.

Leur langue d’origine est la Zaza, parfois appelé « Dimli », issue de la branche Iranienne des langues Indo-Européennes, aujourd’hui le Turc prévaut et certains parlent également le Kurmandji, langue de la majorité des Kurde Turcs. Selon Murat Bukan le président de la fédération des associations Zaza de Turquie de par sa différence grammaticale, c’est une langue distincte du Kurmandji. Des études ont mené à une association avec les langues parlées dans le Nord de l’Iran actuel, allant dans le sens d’une distinction entre les communautés Kurdes et Zazas. Ainsi, des théories avancent que les Zazas seraient descendants des « Daylamites », peuple que nous présenterons plus loin, à noter la ressemblance entre le nom « Dimli » et « Daylamite ».

Démographie

Leur nombre est estimé à 2-3 millions par certaines sources et à environ 10 millions par Murat Bukan, ils résident dans le centre-est Anatolien dans les provinces de Tunceli, Erzincan, Sivas, Diyarbakir, Malatya, Bingöl, Elâzığ ainsi que certaines province avoisinantes et depuis l’industrialisation du pays dans les grandes villes comme Ankara, Istanbul et les villes côtières ainsi que dans des pays de l’Europe de l’Ouest et aux États-Unis . Ils seraient à égal degré musulmans sunnites et alévis mais également laïcs.

Histoire

Venons en maintenant à leur histoire, comme expliqué plus haut, les études étymologiques rapprochent les Zazas des Daylamites du Moyen-Âge Iranien, l’Encyclopædia Iranica appuie cela en attestant que le terme Dimlī dérive du Daylam, région du Nord Iranien. Cet encyclopédie nous décrit également une prose du 3e siècle ap. JC du dernier roi Parthe Artabanus V, le Daylam et d’autres régions ont été évoquées et que les Daylamites ont eu un rôle de premier plan dans la formation de l’empire Sassanide.

Selon l’historien Byzantin Procopius du 6e siècle, les Daylamites auraient été autonome dans l’empire Sassanide et auraient régulièrement servi comme mercenaires.

A l’avènement de l’Islam certains auraient très vite rejoint les armées Arabes et auraient été parmi les premiers convertis. La majorité cependant aurait farouchement résisté durant des siècles aux invasions et ainsi conservé leurs culture Zoroastrienne. Au début du règne du caliphe Abbasside Harun-Al-Rashid (785–809), plusieurs figures de l’Islam Chiite y auraient pris refuge et ainsi démarré la graduelle conversion d’une partie des Daylamites au Chiisme. Par la suite ils ont formé la dynastie Bouyide qui a régné sur l’Iran et l’Irak Abbasside, plus tard certains ont servi les empires Turcs Seldjoukides et Ghaznévides.

Des sources Arméniennes ainsi que certains académiciens nous suggèrent que la migration des Daylamites vers l’Anatolie se serait faite entre le 10e et 12e siècle, ce qui coïncide avec l’avènement des premiers Empires Turcs dans la région.

Au 16e siècle l’écrivain Ebubekir Pamukçu nous apprend que les Turkmènes et Zazas de l’Anatolie Orientale auraient rejoint en masse le mouvement de Shah Ismail Hatay, fondateur de la dynastie Safavide qui a régné de 1501 à 1736 en Iran, ainsi les confréries soufies Anatolienns de l’époque ont évolué vers l’Alévisme, confession toujours partagée par une série de Turcs et Kurdes Zazas. Il avance néanmoins que l’Alévisme-Bektachisme Turc aurait préservé des éléments du Chamanisme Centre-Asiatique et l’Alévisme des Zazas des éléments du Zoroastrisme.

Naissance de la république de Turquie

L’avènement de la république Turque et les années qui ont précédé ont été façonnées par la montée des nationalismes.

Si le nationalisme peut être un facteur de solidarité, de patriotisme, de civisme et de quête d’indépendance, il peut néanmoins porter préjudice à l’entente de peuples auparavant en harmonie, surtout si ce nationalisme est conquérant.

Ainsi les nationalismes Turc largement bâti et le nationalisme Kurde naissant rentrèrent en collision, après des révoltes épars en réponse aux politiques laïcs, comme fut celle du Cheikh Saïd, chef Zaza d’une confrérie sunnite associée aux Naqshbandi et celle de Seyit Riza, chef religieux de plusieurs tribus Zazas Alévi pour ce qui est des politiques assimilatrices.

La république fut néanmoins accueilli avec chaleur par certains meneurs Zazas comme Diyap Aga et plus récemment Kamer Genç, originaires de Tunceli-Dersim, ainsi nombre de Zazas essentiellement Alévis s’assimilèrent volontairement.

Durant les années 60, un relâchement des interdictions sur les associations s’est produite mais la foudre s’est de nouveau abattu avec le coup d’état du 12 septembre 1980 mené par le général Kenan Evren, interdisant les langues Kurdes et à nouveau les publications. Des mouvements séparatistes en ont profité pour imposer leur influence chez une grande part Kurdes de la Turquie Orientale dont évidemment des Zazas qui progressivement allaient être assimilés linguistiquement et ethniquement par l’élément Kurmandj dominant.

Au même moment Ebubekir Pamukçu, enseignant en langues et acteur principal du renouveau Zaza dans sa conscience ethnique et linguistique, commençait son combat qui lui valu persécution et brimades par le gouvernent Turc, ce qui le mena en exil en Suède où il continua ses travaux. Selon les nationalistes Kurdes, l’expression nationale Zaza serait encouragée par l’état Turc pour entraver leur mouvement national, théorie sujette à controverse.

Actuellement, les Zazas votent pour des partis variés allant des partis de gauche comme le EMEP, le parti républicain CHP, l’AKP au pouvoir et également Le HDP. Notons que ce dernier parti proche des nationalistes Kurdes a à plusieurs reprises empêché l’utilisation de banderoles en langue Zaza, bien qu’à d’autres reprises, ils mettent en avant des personnalités et musiques Zazas.

Au début des années 90, sous la présidence de Turgut Özal, plusieurs restrictions ont été levées et cela s’est poursuivi sous les mandats de l’AKP sous Recep Tayyip Erdoğan, ainsi en 2009, la chaine TRT Kurdi qui présente dans les langues Kurmandji et Zaza a été inaugurée.

Regardez cette vidéo-interview de Murat Bukan sous-titrée pour de très bonnes informations :

Mot de la fin

Ainsi s’achève notre exposé sur la formidable nation Zaza, nous avons utilisé le terme « nation » pour présenter ce peuple car bien que tout les peuples méritent d’être élevé au rang de nation, les Zazas avec leurs réalisations, leur histoire et leur culture variée a réellement réussi l’exploit d’être rentré dans l’histoire et d’y avoir survécu.

Il en est ressorti que parfois les religions, parfois les idéologies rassemble les peuples, parfois les sépare, quoi qu’il en soit les dernières décennies ont marqué un réchauffement des relation intra-communautaires Turques, un intérêt mutuel a commencé à se développer et nous espérons que cela se poursuivra.

Personnalités célèbres :

Özler ATALAY YÜKSELOĞLU

« L’auteur de cet article est issu en partie de la communauté Zaza mais l’ayant appris tardivement, il a aimé à partager avec vous ces informations précieuses pour découvrir la diversité et richesse de l’Anatolie »

Laisser un commentaire